Les institutions de microfinance posent le piège de la dette en Andhrah
octubre 2010
Les institutions de micro-finance en Andhra Pradesh sont soumises à un contrôle alors que le Gouvernement de l’Etat admet que plus de 20 suicides ont eu lieu ces dernières semaines en raison des taux d’intérêt élevés et des méthodes violentes pour recouvrer les prêts.
Quand la micro-finance a commencé dans le pays, il s’agissait pour les banques de financer le micro-crédit et d’attirer les investissements. Pionnier dans l’organisation de groupes d’entraide de femmes, l’État d’Andhra Pradesh a offert une opportunité aux institutions de micro-finance (IMF) afin de proposer des petits prêts à des milliers de femmes rurales qui se voyaient par ailleurs refuser tout prêt par les banques.
L’expansion du secteur de la micro-finance en Andhra Pradesh était considérée comme une planche de salut pour les pauvres en offrant des petits prêts à des millions d’emprunteurs ruraux incapables d’obtenir des crédit des banques traditionnelles. Mais alors que les IMF ont élargi leurs opérations dans l’État, elles ont commencé à viser également les emprunteurs individuels. Ces dernières années, de nombreuses IMF sont devenues des organisations à but lucratif, actives dans la course à l’argent. Ces IMF sont maintenant montrées du doigt pour imposer des taux d’intérêt exorbitants et utiliser la force pour récupérer les intérêts.
Les reportages des médias d’Andhra Pradesh détaillent le mode opératoire des agents de recouvrement des prêts représentant les IMF : « Sept heure du matin est l’heure de rendez-vous à laquelle les agents de recouvrement des prêts des institutions de micro-finance devaient arriver pour collecter le montant hebdomadaire. Si les villageois ne se rassemblaient pas hors de leur maison à 7h, l’agent leur faisait payer une amende d’ « attente » de 5 roupies. La routine de 7h a été tellement intégrée dans la vie des villageois que même ceux qui n’avaient pas de prêt à rembourser se préparaient et se rassemblaient à cette heure », raconte un reportage de The Indian Express.
Aucun des habitants ne connaissait le montant de l’intérêt qu’on lui faisait payer. « Tout ce que je sais, c’est que je dois payer chaque semaine 250 roupies, et ce pendant 50 semaines, pour un prêt de 10.000 roupies », dit Satyamma, membre d’un groupe d’entraide de Medak. Elle n’est pas sûre de savoir à quelle IMF elle a emprunté. Le district de Medak a l’un des taux de présence d’institutions de micro-finance les plus élevées dans l’État, à tel point qu’ion évoque souvent la Grameen Bank au Bangladesh.
Les IMF ont touché presque tous les foyers dans le district. Sur les 150 familles du village de Chennaipally, 147 ont contracté un prêt. Ce qui est surprenant, c’est que chacune de ces 147 familles a contracté des prêts multiples, six ou sept de quatre ou cinq IMF différentes. Le petit village a maintenant une dette de plus de 4 millions de roupies.
Les habitants racontent qu’ils ont été frappés par une série de mauvaises récoltes depuis 2001 ce qui les a amenés à contracter des prêts auprès des IMF d’autant plus que la procédure était plus facile que dans les autres institutions. L’Agence de Développement Rural du District (ADRD) estime que près de 90 millions de roupies ont été prêtées par les IMF dans le district de Medak, ces cinq dernières années.
« Nous avons des groupes d’entraide dans le village depuis plusieurs années maintenant, et cela a commencé avec des petits ‘‘chit funds’’ (tontines). Puis des gens de SKS Microfinance sont venus et ont proposé des prêts de 5.000 roupies. Il suffisait de donner une photocopie de notre carte de rationnement. Avant même que ce prêt soit terminé, Share Microfin est arrivée et a offert des prêts de 10.000 roupies. Ils ont été suivis par L&T, Spandana Sphoorti et Basix. En un ou deux ans, les 147 familles ont contracté des prêts multiples pour un total de 100.000 roupies ou plus », explique le chef du village Siddhiramulu.
« Une majorité des villageois a contracté un second prêt de la même IMF pour rembourser le premier et a fait quelques achats pour la maison. Puis ils ont pris un troisième prêt auprès d’une autre IMF pour rembourser le second prêt », dit Vamsi Krishna, le coordinateur de la ADRD au village.
Les femmes des groupes d’entraide disent qu’elles ne savaient pas et qu’elles n’ont pas pensé aux conséquences des prêts multiples. « Les gens des IMF venaient nous rendre visite pendant les réunions des groupes d’entraide avec des offres qui semblaient intéressantes et nous avons été bernées. Quand vous voyez qu’une femme qui a postulé pour un prêt reçoit une liasse d’argent liquide remise à son domicile le lendemain matin, vous êtes tentés d’emprunter », dit G. Swarna, membre d’un groupe d’entraide qui a contracté cinq prêts pour un montant total de 90.000 roupies.
Il existe 30 groupes d’entraide dans le village et nombreux sont les membres se rassemblant au bureau du Gram panchayat (Assemblée du village) qui disent que les IMF se sont succédées les unes après les autres pour proposer des prêts. « Si une institution arrive et offre un prêt de 10.000 roupies à quelques groupes d’entraide, le lendemain les représentants d’une autres institution arrivent avec une offre à 15.000 roupies. Nous n’avions que l’embarras du choix », dit Swarna.
A Chennaipally et dans les trois villages environnants, personne n’a utilisé l’argent pour démarrer une activité génératrice de revenus. B. Yadagiri, un travailleur journalier, a acheté un téléphone mobile coûtant 3.000 roupies grâce à un prêt de 5.000 roupies contracté par sa femme. « L’agent de l’IMF Spandana m’a trouvé le téléphone et a rendu la différence de 2.000 roupies à ma femme », dit-il.
P. Balaiah a contracté un prêt de 20.000 roupies et acheté un téléviseur portable de 6.000 roupies. « Le reste a été dépensé pour diverses choses. Je ne me souviens pas exactement pour quoi », dt-il. H. Lalitha, qui a contracté quatre prêts, admet qu’elle a « acheté quatre saris et une petite pièce en or ». D’autres ont utiliser les prêts pour payer les frais de santé, d’hôpital ou de maternité, ou pour acheter les engrais et les semences.
L’argent facile a créé quelques problèmes sociaux également. Les conseillers de l’ADRD disent que la consommation d’alcool parmi les hommes des villages a grimpé en flèche depuis que leurs épouses ont commencé à emprunter. « Quand ils ont eu de l’argent liquide entre les mains, les hommes ont même cessé d’aller travailler comme ouvrier agricole. Malgré nos conseils, aucun n’a choisi d’investir sagement dans une activité génératrice de revenus », dit P. Ravinder, directeur de projet de l’ADRD à Medak.
Dans les villages du district de Medak, il n’y a pas de bruit plus terrifiant que celui des motocyclettes le matin. Avant que les agents de recouvrement n’atteignent le village, les hommes ont quitté leur maison pour éviter de les rencontrer. Les femmes aimeraient aussi fuir mais n’ont d’autre choix que de rester.
Des IMF comme SKS, Spandana, L&T, Basix et Share Microfin proposent différentes sortes de prêts. Pour un montant de 10.000 roupies, la collecte de l’intérêt et d’une partie du montant principal est effectuée chaque semaine. Si le montant est supérieur à 10.000 roupies, la collecte est mensuelle. « Mais cela dépend du mode de remboursement que l’IMF a proposé à un groupe d’entraide particulier dans un village particulier. Il y a beaucoup de modèles pour répondre à différentes demandes. Je paie 250 roupies par semaine à Basix pour un prêt de 10.000 roupies et 1.000 roupies par mois pour un prêt de 10.000 roupies à L&T. Que ce soit à la semaine ou au mois, cela revient au même », dit M. Mallikarjun qui a encouragé sa femme à contracter les deux prêts.
Share Microfin prend en moyenne un intérêt de 28%. Son directeur, Uday Kumar, dit qu’ils empruntent à un coût moyen de 13%, auquel ils ajoutent 9% de frais opérationnels et de coûts de livraison. Les « prêts généraux » de Share Microfin s’échelonnent de 6.000 à 25.000 roupies pour une période de 50 semaines. Le taux d’intérêt réel va de 23,60% à 28,13%.
« Mais ce sont les clauses et l’accord de prêt qui créent vraiment le piège de la dette. Quand l’emprunteur ne parvient pas à payer une échéance, l’intérêt additionnel équivaut à deux ou trois fois le taux d’intérêt. Le taux d’intérêt reste le même tant que le montant principal n’a pas été remboursé. Le plus souvent, le taux d’intérêt final est proche de 50% », dit R. Subramanium, secrétaire principal de Développement Rural.
La semaine dernière, la Haute Cour d’Andhra Pradesh a autorisé les IMF à poursuivre leurs activités dans l’État mais les a appelées à ne pas faire usage de la force pour recouvrer les prêts. La Cour a demandé aux IMF d’enregistrer, dans la semaine, leurs activités auprès du Gouvernement, comme le stipule une ordonnance récente qui impose des restrictions importantes sur les services de prêts injustes, jusqu’à enregistrement.
Fuentes :
D-P-H (Dialogues, Propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale) www.d-p-h.info/index_fr.html