Biodiversité, pauvreté et justice sociale
Aujourd’hui la préoccupation partagée pour la perte de biodiversité coexiste avec un consensus sur son importance en termes économiques, sociaux et culturels.
Mauro Pirini, julho 2009
Resumo :
Quelles conséquences aura sur la société et l’économie la diminution de la biodiversité terrestre, due aux changements climatiques et à l’action de l’homme ? Quelles seront les personnes réellement touchées par la disparition de la diversité biologique et la perte d’importants services naturels que les écosystèmes nous fournissent ?
A travers cette analyse transversale, nous nous proposons de mener une réflexion sur les suites sociales, économiques et écologiques de la disparition de la biodiversité. Plus particulièrement nous tâcherons de mettre en exergue le lien entre le tarissement de la biodiversité, la pauvreté et la justice sociale.
Dans un premier temps, nous essayerons de comprendre le lien entre ces domaines à travers les analyses fournies par les organisations internationales ; celles-ci mettent unanimement l’accent sur les populations les plus touchées par la dégradation des écosystèmes.
Dans une deuxième partie, nous nous concentrerons sur deux exemples illustrant le rapport entre questions écologiques et facteurs sociaux. Nous utiliserons plusieurs travaux pour présenter le cas du lac Victoria, en Afrique, et celui de la forêt Amazonienne en Amérique Latine.
Il est à noter que, bien que les trois publications que nous citons émanent de cultures différentes, elles sont unies par une volonté identique de critique sociale et de dénonciation. Concernant l’exemple africain ce dessein prend les formes de travaux de divulgation scientifique d’un chercheur en biologie hollandais et d’un film documentaire d’un réalisateur allemand. Le cas amazonien est quant à lui aborder au travers de travaux de géographie du paysage réalisés par des chercheurs italiens.
L’ensemble de ces études nous amènent à penser que les questions sociales et écologiques sont interdépendantes : les thématiques sociales d’exclusion ou d’oppression sont liées à une dimension environnementale tout comme les questions environnementales possèdent une dimension sociale. Il s’agit d’un champ d’analyse complexe au sein duquel il est souvent difficile de déterminer cause et conséquence.
Pauvreté biologique et pauvreté humaine : le gaspillage de la vie.
Pour analyser les interactions entre la disparition de la biodiversité, la pauvreté et la justice sociale nous utiliserons d’abord la publication d’une recherche financée par les Nations Unies et d’un travail de diffusion et divulgation de la Convention pour la Diversité Biologique (CBD).
Selon ces sources, 25 % des espèces mondiales auront disparu avant 2050 à cause de la combinaison du réchauffement climatique et des activités de l’homme. Même s’il paraît difficile d’établir l’impact des facteurs humains ou des facteurs naturels sur la disparition des espèces et sur la destruction des écosystèmes, un consensus scientifique a été trouvé sur les causes qui conduisent à la diminution de la diversité biologique sur la terre.
Ainsi, les causes les plus importantes de la perte de la biodiversité et des changements dans les écosystèmes sont liées :
A la mutation de l’habitat (changements dus à l’utilisation de la terre, modification physique des fleuves, perte des barrières de corail, pêche au filet) ;
Aux changements du climat ;
A l’introduction d’espèces agressives,
A la surexploitation des ressources
Et à la pollution.
Les changements de la biodiversité dûs aux activités humaines se sont accélérés depuis 50 ans. Elles ne montrent pas des signes de ralentissement, mais au contraire s’accentuent et avec elles la disparition des écosystèmes.
L’étude que nous prenons en considération part du constat qu’il existe une corrélation évidente entre le bien-être humain et la biodiversité du fait que les personnes, la biodiversité et les écosystèmes interagissent. L’homme exerce son influence sur la biodiversité de l’eau et de la terre et au même titre l’extinction des nombreuses espèces à des effets directs sur l’homme.
L’homme, par exemple avec l’agriculture et l’élevage, a toujours agi sur son écosystème, en sélectionnant les espèces animales et végétales utiles à sa propre vie. Le vrai problème n’est donc pas l’intervention humaine sur la vie et sur les écosystèmes mais plutôt une intervention incontrôlée qui a des conséquences écologiques et humaines catastrophiques.
Une culture consumériste ainsi que des comportements économiques basés sur le profit anéantissent les aspects positifs d’activités telles que l’agriculture ou d’autres domaines économiques conciliables avec un développement dit « durable ». Le site de la FAO propose d’ailleurs des lectures intéressantes sur la biodiversité agricole et sur l’importance de la diversité génétique pour une agriculture équilibrée.
Le Millennium Ecosystem Assessment (MEA) est une ample étude scientifique, financée par l’ONU commandée en 2000 par l’ancien Secrétaire Général des Nations-Unies Kofi Annan, pour évaluer l’impact et les conséquences des changements de l’écosystème pour le bien-être humain. Cette recherche avait aussi pour objectif d’établir une base scientifique sur laquelle fonder des actions de conservation et d’utilisation soutenable des écosystèmes. Commencé en 2001, le processus de recherche et de rédaction a duré quatre ans, jusqu’aux 2005, année de sa publication. Ce projet est né pour répondre aux demandes d’information de la Convention sur la Diversité Biologique (CBD), ainsi qu’à celles d’autres conventions, organisations et « stakeholder » publiques et privées.
Le MEA a été rédigé collectivement et comporte des milliers de pages. Il résulte d’un travail d’analyse de données et de compilations d’informations impliquant 1360 chercheurs et scientifiques de 95 pays différents. Les résultats de leurs élaborations et recherches sont récoltés dans cinq volumes techniques et six synthèses. Les principales conclusions, présentées de façon claire, constituent des informations utiles pour les décideurs concernant la santé des écosystèmes mondiaux ainsi que les possibilités de récupérer, de conserver et de promouvoir un usage soutenable de ceux-ci.
Le volume « Biodiversity Syntesis » est divisé en deux parties : la première s’adresse aux « decision-makers » et la deuxième, plus approfondie, présente les points fondamentaux relatifs à la biodiversité, abordé en détail par le Milennium Ecosystem Assessment.
Le résultat essentiel de cette énorme recherche est la confirmation que la vie humaine est fondée sur la biodiversité et en dépend. L’étude valide donc le fait que les écosystèmes riches quant à biodiversité ne fournissent pas seulement des biens essentiels comme la nourriture, l’eau ou les plantes médicinales, mais également des services irremplaçables comme la purification de l’eau et de l’air et la régulation de l’érosion du sol.
La synthèse part donc du constat qu’il y a une étroite corrélation entre bien-être humain et biodiversité : les personnes et les écosystèmes interagissent étroitement et par conséquence, des changements dans la condition humaine - associés à des facteurs pas humains et à des forces naturelles - portent directement et indirectement, à des changements dans la biodiversité, dans les écosystèmes et dans les services qu’ils apportent.
Ce lien de dépendance peut se schématiser sous la forme d’une chaîne d’évènements, au sein de laquelle chacun provoque des effets sous diverses formes – conséquences, rétroactions et feedbacks - incontrôlables, difficiles à évaluer, imprévus et imprévisibles. Ainsi, par exemple, la pêche ou l’usage de fertilisants pour augmenter la production agro-alimentaire ont un impact sur la biodiversité et sur les services de l’écosystème, qui se reflètent directement sur le bien-être humain. La croissance de la demande internationale de bois, donc à un niveau global, peut favoriser la disparition à l’échelle régionale de forêts. Celle-ci se répercutera évidemment au niveau local.
C’est sur ces bases que repose le document « Perspectives mondiales de la diversité biologique » issu de la Convention pour la diversité biologique (CBD). Il a pour objectif de fournir des informations de base sur l’état actuel et les tendances relatives à la biodiversité. Cette publication nous montre les efforts faits et les actions à entreprendre au niveau international et multinational pour la conservation de la biodiversité et pour la lutte contre la réduction de la diversité biologique.
La Convention définit trois objectifs aussi importants et complémentaires les uns que les autres :
La conservation de la diversité biologique ;
L’utilisation durable de ses éléments ;
Le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques.
L’adhésion à la Convention est pratiquement universelle, ce qui montre bien que l’humanité est parfaitement consciente de la nécessité de collaborer pour garantir le maintien de la vie sur Terre.
En 2002, la Conférence des Parties à la Convention a adopté un Plan stratégique dont la mission est de « parvenir d’ici 2010 à une réduction importante du rythme actuel de l’appauvrissement de la diversité biologique aux niveaux mondial, régional et national à titre de contribution à l’atténuation de la pauvreté et au profit de toutes les formes de vie sur la planète ». L’objectif de 2010 a été ultérieurement approuvé par les chefs d’État et de gouvernement lors du Sommet mondial pour le développement durable tenu à Johannesburg, Afrique du Sud. Récemment, les dirigeants réunis au Sommet mondial des Nations-Unies de 2005 ont réitéré leur volonté d’atteindre cet objectif.
Afin d’évaluer les progrès accomplis dans la poursuite de l’objectif de 2010 relatif à la diversité biologique, la Conférence des Parties a fixé des buts et objectifs transitoires et identifié des indicateurs permettant d’évaluer l’état de la diversité biologique et ses tendances. La deuxième édition des Perspectives mondiales de la diversité biologique exploite ces indicateurs et objectifs pour dégager les tendances actuelles en matière de diversité biologique ainsi que les possibilités d’atteindre l’objectif de 2010.
Parmi ces indicateurs, qui représentent également les objectifs pour 2010, on retrouve :
La réduction de l’appauvrissement de la biodiversité biologique ;
La conservation de l’intégrité des écosystèmes et des services qu’ils fournissent à l’humanité ;
La promotion d’une utilisation soutenable des ressources ;
La protection des connaissances traditionnelles, des innovations et des pratiques ;
L’assurance à l’accès et à la distribution de l’eau (?) ;
La mobilisation des ressources techniques et financières, particulièrement dans les pays en voie de développement pour l’application de la convention et du plan stratégique ;
La reconnaissance et l’étude du rapport entre perte de la biodiversité, la pauvreté et l’équité dans les documents scientifiques et diplomatiques internationaux.
Ces recherches présentent une photographie importante de l’état de santé de la vie sur terre et tracent un lien direct entre systèmes écologiques et sociétés humaines.
Comme l’affirme le « Global Biodiversity Outlook 2 » (surnommé le GBO2), la biodiversité est la base du fonctionnement des écosystèmes. Selon le « Millennium Ecosystem Assessment » (MEA), l’érosion de la biodiversité produit l’altération des cycles naturels et des services que les écosystèmes nous offrent. Or, les écosystèmes qui ne fonctionnent plus correctement à cause de la destruction de la biodiversité deviennent également plus vulnérables aux chocs et aux catastrophes environnementales. Le MEA reconnaît ainsi que la biodiversité fournit des avantages et des services aux personnes qui concernent non seulement leur « confort de vie » mais aussi leur sécurité, leur santé, leur liberté de choix et d’action ainsi que leurs relations sociales. Le MEA met particulièrement en exergue que des considérations liées au pouvoir et à la justice du système international doivent être prises en compte dans les analyses. De fait aujourd’hui, force est d’admettre que la perte de la biodiversité est un des obstacles majeurs à la satisfaction des besoins des populations, en particulier celles plus fragiles des zones rurales. L’appauvrissement biologique et le changement des écosystèmes sont étroitement liés à l’appauvrissement social des populations et notamment les plus démunies.
Une partie du monde tire avantage des écosystèmes grâce à leur exploitation, notamment dans le secteur de l’agriculture. Cependant, la paupérisation croissante de certains groupes de population ainsi que la perte des services offerts par la biodiversité pèsent aujourd’hui lourdement sur le futur de notre planète et de notre niveau de vie.
Selon le GBO2, la population rurale est celle qui soufre le plus de la disparition de la biodiversité et des changements des écosystèmes. Elle est en effet dépendante des services que son écosystème local lui offre. De plus, cette population, ne dispose pas d’alternatives viables pour remplacer les services qui disparaissent. Tout à fait en correspondance, le MEA nous indique que les personnes les plus aisées sont apparemment moins touchées par la perte des services des écosystèmes du fait de leur capacité à se procurer des biens de substitution et de compenser des pertes locales des services offerts par les écosystèmes par une modification des richesses produites ou de leurs lieux de production.
Il est de plus à noter que la position souvent marginale des communautés rurales dans les sociétés laisse le champ libre à l’intervention de groupes et d’intérêts privés. Ceux-ci peuvent alors exploiter à leur guise les écosystèmes, au travers par exemple de la monopolisation de la diversité génétique. Par ce processus, l’enrichissement d’une minorité déjà aisée détériore encore les conditions de survie et le bien-être de communautés entières.
La lecture des documents nous amène alors à souligner la nécessité de repenser en profondeur trois aspects très importants :
1. La croissance économique : le produit intérieur brut doit intégrer les biens collectifs et les services environnementaux, matérialisant ainsi combien les gains économiques à courts termes, basés sur des activités traditionnelles non durables, sont illusoires, alors même qu’ils sont encore actuellement comptabilisés positivement dans le PIB. Le GBO2 cite un rapport de la Banque mondiale qui estime le « capital naturel » à ¼ de la richesse totale des pays à faible revenu. Une meilleure gestion des écosystèmes et des ressources naturelles pourrait devenir la clé du développement de ces pays ; et d’un développement durable qui plus est.
2. Le modèle de développement choisi : la plupart des actions entreprises, pensées pour promouvoir la croissance économique, se sont révélées être causes d’injustices sociales et dommages environnementaux avec des effets directs sur les personnes ; ce qui a compromis les avantages positifs du développement. Nous l’illustrerons à travers un exemple brésilien.
3. La volonté politique de défendre les droits, promouvoir des mécanismes de participations et des occasions de « capacity building » pour les communautés locales et les populations indigènes : la Convention pour la Diversité Biologique attire notre attention sur les besoins des populations indigènes et des communautés locales et sur leur rôle de garants des savoirs traditionnels et des pratiques de gestion pour le respect de la nature et pour la préservation et la gestion durable de la biodiversité. La Convention reconnaît en effet l’importance de la dimension locale face aux problèmes de la biodiversité et des communautés locales.
Deux exemples concrets : l’Amazonie et le lac Victoria
Les résultats des recherches présentés peuvent être illustrés par d’innombrables exemples. Dans le cadre de notre réflexion, nous en étudierons deux, celui de l’Amazonie et celui du lac Victoria en Afrique.
L’exploitation des ressources, la déforestation et l’appauvrissement des populations indigènes dans le premier cas ; l’imprudence de l’homme, les enjeux économiques de l’exploitation des nouveaux marchés et les conséquences environnementales dans le deuxième sont des facteurs indissociables les uns des autres.
Dans ces deux situations, les investissements et les financements internationaux ont joué un rôle clé. Il apparaît clairement que les modalités et les résultats de ces financements et des programmes soutenus représentent l’indice plus important de l’asymétrie entre le nord et le sud du monde.
La forêt amazonienne
Les forêts produisent une valeur économique, écologique et culturelle pour les sociétés. Le monitoring constant de forêts permet d’observer et de disposer des données sures concernant l’exploitation des écosystèmes et leur utilisation pour des finalités humaines. Selon l’étude du GBO2, en l’absence de l’intervention de l’homme, les forêts recouvriraient à peu près la moitié de la superficie terrestre. L’intervention de l’homme a réduit cette extension à 30% de la superficie, dont seulement 1/3 est considéré « forêt primaire » ; c’est-à-dire « forêt d’espèces spontanées » dans laquelle les processus écologiques ne sont pas dérangés par des activités humaines.
La déforestation et la reconversion des forêts à cause des activités de l’homme correspondent à 13 millions d’hectares par an, soit une superficie égale à celle de la Grèce ou du Nicaragua. Même si cette perte est remplacée, une forêt replantée n’est pas en mesure d’assurer la même richesse biologique d’une forêt vierge.
Dans la décennie 1990-2000, la disparition nette des forêts est estimée à 8,9 millions d’hectares par an, équivalent à 0,22% de la superficie de la forêt totale. Dans la période 2000-2005, cette perte est estimée à 7,3 millions d’hectares par an, soit une perte annuelle de 0,18% du total.
En 15 ans, la forêt primaire a diminué ou a été profondément modifiée à une vitesse de 6 millions d’hectares par an. L’Afrique et l’Amérique du sud sont à ce titre les parties du monde plus touchés, et cela, malgré les efforts et les programmes de l’homme pour la reforestation.
La forêt amazonienne, avec d’autres forêts pluviales, héberge la majorité des espèces animales et végétales du monde et fournit des services écologiques non remplaçables pour l’humanité entière, et particulièrement pour les populations indigènes.
L’ouvrage « Amazonie : Destruction, vexation et spéculation » présente les résultats d’une recherche de 2002 mené par le Ministère de l’Université et de la Recherche italien sur les transformations « soutenables » du territoire et du paysage de cette région du Brésil, soutenues par les politiques des organismes internationaux.
Le but de cette recherche est d’évaluer les conséquences des politiques mises en place sous la pression de deux grandes instances de changement : le gouvernement central et les financements internationaux. La problématique de cette étude vise à étudier les changements, les difficultés et les possibilités liés aux efforts de développement soutenable déployés dans la région.
Le choix de l’Amazonie brésilienne se justifie en ce qu’elle est le cas le plus emblématique des répercussions négatives du « développement » sur la conservation de la forêt et sur les richesses écologiques. Elle est également le symbole de la faillite du mythe du progrès alimenté par des interventions macroéconomiques financées par des programmes nationaux et étrangers au Brésil.
Les interventions des organisations publiques et des agences internationales ont en effet eu une responsabilité profonde dans la déforestation et dans la destruction de l’écosystème. Leurs interventions pensées avec des objectifs macroéconomiques de développement économique et social, pour le développement de l’agriculture et de l’industrie, se sont révélés être des instruments de destruction.
Ceux-ci ont provoqué la dévastation environnementale et la violation des droits de populations indigènes dont les ressources résident toutes entières dans ces écosystèmes.
Les années 50 ont vu la construction des grands barrages et des centrales hydro-électriques, considérés comme des investissements parmi les plus rentables par les bailleurs de fonds internationaux de l’époque. De tels projets présentent ce fameux double visage : d’un côté ils semblent avoir des buts démocratiques avec leurs promesses de progrès, mais de l’autre, ils montrent une violence intolérable vis-à-vis de la nature et des sociétés locales.
À partir des années 60, les causes principales de la déforestation, et donc de disparition de la biodiversité, liée au secteur primaire sont :
Les politiques de subsides et d’aides fiscales à l’agriculture et à la pêche de la junte militaire et des gouvernements suivants ;
Le développement des infrastructures, des installations et des transports dans l’objectif de la colonisation ;
L’accroissement global des financements internationaux pour des projets macro-économiques ;
L’emploi non approprié des technologies et des systèmes agricoles ;
L’impact du marché dû à l’augmentation de la demande et à la dévaluation de la monnaie brésilienne qui a engendré une augmentation des exportations de viande avec un accroissement de l’élevage de bétail (« Hamburger Connection ») et de la monoculture du soja (« or vert ») ;
Un véritable développement prédateur, lié à l’exploitation des réserves de bois basé sur l’entrelacement des intérêts, souvent illégaux, des compagnies internationales, des intermédiaires et des communautés qui fondent leur existence sur le travail des bûcherons.
Au cours des années 80 c’est l’augmentation globale des financements internationaux pour des projets macroéconomiques qui a déterminé « une logique d’investissements et de spéculations » en voulant sanctionner « une exploitation globale de l’Amazonie ». Cela se met en place par exemple avec l’utilisation inappropriée des technologies et des systèmes agricoles qui ont conduit à une déforestation sauvage. On parle alors de « développement pilleur », en particulier concernant l’exploitation des réserves de bois
Il faut également enregistrer l’impact des mécanismes du marché international, sources de pressions écologiquement non durables, favorisant notamment le développement de l’élevage et de la monoculture du soja. Ce mode d’exploitation a contribué à la modification de la forêt et a temps rendu vain toute espoir d’une gestion sylvestre durable.
Le GBO2 montre ainsi comment les politiques gouvernementales se sont révélées un échec du point de vue de la justice sociale car elles ont contribué à « perpétuer la distribution inique de la terre » basée sur des droits de propriété qui favorisent principalement les grands éleveurs.
Parmi les peuples de la forêt, les seringueiros, spécialisés dans l’extraction du caoutchouc de l’arbre dit seringueira sont ceux qui ont su le mieux s’organiser en un mouvement syndical. Chico Mendez, le leader du mouvement a été tué en 1988. Grâce à son activisme, les collecteurs de la gomme ont acquis une certaine autorité en tant que gardiens de la forêt. La campagne de Mendes se fonde sur trois concepts:
Le lien entre sauvegarde de l’environnement et défense des droits des peuples et des travailleurs ;
Le passage de la rivalité à l’alliance entre les travailleurs arrivés dans la forêt amazonienne pour extraire le caoutchouc et les indios ;
Les empates, des pratiques de résistance non violente constituées par des chaînes humaines et des assemblées publiques contre la menace de destruction de la forêt.
Le premier résultat collectif important des travailleurs de la gomme est la création de réserves extractives. A la fin des années 80, quinze réserves officielles couvraient presque deux millions d’hectares. Ces réserves sont des aires de forêt gérées par des coopératives de seringueiros en défense des indios et dans le respect de l’écosystème pour la récolte du caoutchouc, la pêche et la chasse non destructives. Mais celles-ci n’ont pu faire obstacle que dans certaines zones à la déforestation et à l’expulsion des populations.
Ces dernières années ont vu le passage d’une logique de projets basés sur la productivité, la rentabilité et le retour sur investissement à des projets qui font plus attention à l’environnement, à la déforestation, à la disparition de la biodiversité, à la menace aux populations indigènes et à leurs droits. Malgré cela, la recherche souligne qu’en 2005, la transformation du paysage ainsi que les problématiques sociales ont fortement augmentées.
Confusion et ambiguïté ont caractérisé le comportement des organisations internationales vis-à-vis Brésil. La Banque Mondiale représente précisément cette dichotomie puisque, malgré les engagements pris au sommet de Rio et la correction partielle de ses programmes de développement, elle a finit par récréer les mêmes problématiques en favorisant la construction d’infrastructures à la place des pratiques de gestion durable.
L’exemple du lac Victoria en Afrique
Le lac Victoria représente un autre cas de gestion insoutenable des ressources écologiques. Les grands lacs, avec les forets, représentent partout dans le monde les écosystèmes les plus touchés par les activités inconsidérées de l’homme. Le cas du lac Aral est édifiant : en l’espace de quelques décennies, à cause des activités agricoles, ce lac a été complément asséché.
Dans le cas du lac Victoria, l’introduction d’une espèce étrangère et prédatrice a causé la disparition d’autres espèces aquatiques ainsi que la dramatique altération de l’écosystème du lac dans lequel on recense désormais des vastes zones d’eau complètement privées d’oxygène et donc non aptes à la vie.
Nous présentons ici deux travaux. Le premier est la passionnante enquête scientifique d’un biologiste évolutionniste hollandais, Goldschmidt Tijs.
L’actualité de cet ouvrage, malgré sa sortie dans les années 90, est avérée par la réalisation en 2004, soit dix ans après, du film « Le cauchemar de Darwin », d’Hubert Sauper.
La filiation entre ces deux documents est confirmée, entre autres, par la collaboration de Goldschmidt à la réalisation du documentaire. Parfois même le documentaire semble donner une voix et un corps à certaines figures du livre.
Les deux documents traitent des conséquences de la modification de l’écosystème du Lac Victoria suite à l’introduction, dans ses eaux, d’une espèce de poisson qui se place au sommet de la chaîne alimentaire et qui n’était pas naturellement présent dans le lac, la perche du Nil. Ce poison prédateur a été introduit dans le lac suite à un projet scientifique de développement, pensé dans les années 60 pour augmenter la production de poisson et de ce fait la richesse des pays bordés par le lac.
Ce projet s’est révélé en peu de temps être une catastrophe naturelle inattendue. Cette modification de l’écosystème, qui s’est vérifiée malgré les appels restés lettre morte lancés par une minorité, a contribué au même temps à l’augmentation de la production de poisson mais également à l’altération radicale d’un écosystème. La disparition de nombreuses espèces du poisson dans le lac a eu des conséquences dramatiques également pour la vie des populations riveraines.
La principale différence entre les deux travaux est que, tandis que le premier s’occupe plus des aspects écologiques de la biodiversité, le deuxième montre les conséquences de la destruction de la variété biologique et des écosystèmes ainsi que de l’éphémère boom économique de la région.
Le livre, entre essai anthropo-scientifique et réflexion écologique, est un récit personnel et engagé d’un biologiste évolutionniste européen qui travaille sur les mystères de l’évolution des espèces, sur l’altération radicale de l’écosystème du plus grand lac d’Afrique, le lac Victoria.
D’une immense variété de formes, de tailles, de couleurs, ces nombreuses espèces constituent pour les biologistes un matériau de choix pour comprendre les mécanismes généraux de l’apparition des espèces animales. Tijs Goldschmidt nous conte ces passionnantes recherches - mais son étude prend un tour imprévu. Il devient soudain le témoin d’une spectaculaire extinction d’espèces : l’introduction par l’homme de la perche du Nil, grande prédatrice, rompt l’équilibre de l’écosystème du lac Victoria, et bouleverse la vie de millions d’Africains. Lors de ces recherches scientifiques sur une partie du Lac Victoria en Tanzanie, sur la côte méridionale, l’auteur raconte l’extraordinaire évolution de l’espèce, à travers celle d’une espèce de poisson de la famille de Cichlides, appelée par les locaux de façon générique « furu ». Cependant l’auteur se trouve face à l’extinction presque totale de cette espèce.
Un projet de développement, pensé dans les années 60 pour augmenter la production de poisson et de ce fait la richesse des pays bordés par le lac, s’est révélé en peu de temps être une catastrophe naturelle inattendue. Le chercheur trouve dans ce phénomène l’occasion d’observer en direct le mécanisme et les dynamiques de l’extinction des « furu ». C’est en effet l’introduction par l’homme de la perche du Nil, grande prédatrice, qui a rompu l’équilibre de l’écosystème du lac Victoria.
Le travail de Goldshmidt est d’autant plus intéressant qu’il aborde les effets sociaux du boom économique ainsi que les conséquences politiques de la distribution de la nouvelle richesse. Il apparaît très clairement que seule une toute petite minorité va s’enrichir…
Sauper, dans son documentaire, s’interroge, dix ans après, quant aux effets directs du boom économique sur la population locale en observant de quelle façon a été gérée la redistribution de la nouvelle richesse et quelles sont les conséquences du commerce international de ces ressources pour l’écosystème et la population. Et voilà le cauchemar qui commence. La concentration des commerces et l’urbanisation accélérée de la ville de Mwanza sont le nouveau scénario dans lequel se déroule le cauchemar des « exclus » de la richesse du lac, qui héritent malgré eux de la prostitution, la drogue, et la pauvreté.
Certaines images du documentaire sont insoutenables et inoubliables : les enfants en situation de rue inhalant des drogues ou mangeant des déchets trouvés dans des conteneurs en plastique ou encore se battant pour du riz ; des petites filles avec un regard perdu et voilé ; des communautés entières amassées dans des barques…Voilà les effets d’une politique aveuglée qui ne prend en compte aucune considérations étiques.
L’écosystème du lac est décrit comme un système instable. Les écosystèmes transformés et simplifiés à travers l’intervention de l’homme sont destinés à rester « productifs » seulement pour une brève période. Quelles sont les conséquences de cette mutation artificielle de l’écosystème du lac sur la société humaine à proximité? Sauper semble répondre à cette question avec un autre style et avec d’une autre perspective. Le réalisateur nous montre que les ressources engendrées par l’introduction de la perche du Nil se réduisent progressivement à cause de l’exploitation excessive et de l’introduction des techniques de pêche non-durables et industrielles ; deux causes considérées comme prépondérantes, selon le GBO2, dans la disparition des ressources en poissons mondiaux. La menace de disparition touche tant l’espèce de la perche du Nil que les autres espèces. La diversité et la richesse du Lac sont donc voués à disparaitre.
Le poisson, grâce aussi aux financements de l’Union Européenne à la pêche et à l’industrie de transformation, a généré effectivement un boom économique dans la Région. Mais, rappelle Sauper, autour de cette « nouvelle ressource première », comme pour l’or ou les diamants, des nouveaux trafics illicites ont vu le jour. Ainsi la variété et la richesse de la vie à laissé la place à un excès de violence.
Ainsi que le confirme « Millennium Ecosystem Assessment», Sauper démontre que le commerce global de la perche du Nil a provoqué d’énormes disparités sociales. Là où il existe des zones riches en « ressources d’écosystème » à exploiter, on crée de la pauvreté et de l’injustice autour de la richesse. Avec ses programmes de financement, l’Europe semble vouloir plutôt s’assurer des réserves en poisson au moment où les ressources en poisson dans la mer sont en train de disparaître.
Ainsi les filets de poissons, trop chers pour le marché local s’envolent vers l’Europe, tandis que les têtes et les arêtes, écartées du processus industriel, sont abandonnées dans les décharges où viennent se nourrir des milliers d’Africains. Voilà un autre paradoxe : la moitié de l’humanité qui se nourrit avec les rejets de l’autre moitié.
Le livre de Goldshmidt semble indiquer que du fait de l’impossibilité de prévenir les conséquences des actions de l’homme en termes d’impact sur les écosystèmes, il est préférable d’appliquer le principe de la « précaution », comme envisagé par le GBO2 et le MEA.
Le GBO2 confirme en effet que des espèces aliènes invasives peuvent avoir un impact dévastateur sur l’habitat et causer la disparition d’écosystèmes entiers. Depuis le XVII siècle, les espèces invasives ont causé la disparition du 40% de toutes les disparitions animales connues. Dans le dernier siècle, ce risque a connu une forte augmentation en conséquence de l’augmentation du tourisme, du commerce et des échanges humains rapides. Ce phénomène peut être du aussi aux expérimentations scientifiques ou de développement, le cas du lac Victoria étant un exemple parmi tant d’autres. Selon le MEA, le risque causé par les espèces aliènes, est l’effet inévitable de la globalisation. Le film de Souper représente une accusation contre les effets perverses d’une globalisation inique et non durable.
Conclusion
On sait que sur la base de données à notre disposition, au niveau international, la biodiversité est destinée à diminuer « à tous les niveaux et sur toutes les échelles géographiques », même si quelques mesures et réponses prises semble pouvoir inverser la tendance négative observée pour certaines espèces et pour certains habitat.
Nous avons vu comment la biodiversité est à la base du bien-être de l’Homme. On reconnaît la biodiversité aujourd’hui également comme un élément fondamental de la liberté de choix ainsi que comme une garantie pour des relations sociales équilibrées et pacifiques.
Les coûts de la disparition de la biodiversité sont inégalement distribués : 2/3 de la « consommation » biologique mondiale vient des Etats-Unis, certains membres de l’Union Européenne, la Chine, l’Inde, et le Japon.
Et pourtant, malgré tout, ils existent des opportunités pour la sauvegarde et la régénération. Selon le GBO2 il est fondamental d’accroître la conscience de l’importance de la biodiversité et du rôle de la Convention pour la diversité biologique, une fois celle-ci appliquée au sein des politiques des pays membres.
Mais, est-ce que l’information scientifique et une plus grande conscience pourront se traduire en réponses nationales effectives pour faire face à la disparition de la biodiversité et aux changements des écosystèmes ainsi qu’à la défense des droits des populations indigènes ?
Le GBO2 semble souhaiter une nouvelle politique macro-économique et de nouveaux mécanismes pour la démocratie interne avec un plus grand respect des minorités. L’objectif multilatéral de 2010, selon le GBO2, est un objectif réaliste que si la Convention est mise en pratique au niveau national. Or, selon les chiffres présentés par le GBO2, la Convention sur la Diversité biologique n’est quasiment pas respectée sur les plans nationaux. Il est intéressant de constater que les communautés locales ainsi que des représentants de la société civile ont participé aux travaux de la Convention tandis que sur le plan national l’implication n’a pas été à la hauteur des attentes.
Selon l’analyse dédiée à la participation, les acteurs locaux sont à la fois les destinataires et les protagonistes de ces politiques de participation. Ils contribuent avec leur engagement à la préservation de leurs droits et des droits de l’environnement. Ils participent également à l’augmentation du niveau démocratique grâce à la recherche du dialogue et à la confrontation avec les autres instances de décision (par exemple les multinationales …ou les grands propriétaires de terre).
Dans cette optique, le niveau international représente pour les populations locales le niveau le plus adapté pour faire reconnaître leurs droits et pour obtenir une visibilité en soutien de leurs causes. C’est le cas des ouvrages de Goldschmidt et Sauper ou de la Convention pour la Diversité Biologique…
C’est aussi le cas de l’ONU et de la Convention pour la Diversité Biologique an tant que promoteurs d’études qui prennent en compte l’existence des biens collectifs et stigmatise la concentration du profit provenant des ressources naturelles entre les mains d’un petit nombre.
Le problème de l’équité et de la distribution juste des ressources se dissimule sous le faux prétexte de vocation scientifique ou diplomatique des documents. Pourtant le lien entre biodiversité et droits de populations est clair. La défense de ce principe doit être recherchée. Pour que le changement soit efficace, il faut stimuler davantage les communautés locales pour qu’elles deviennent maîtresses de leur destin et protagonistes du processus.
Cela pourrait se traduire en avantages concrets également pour la préservation des espèces, des écosystèmes et de la diversité génétique. Sur eux la société humaine agit négativement mais elle peut également avoir un rôle déterminant afin de la préserver. Accroître la participation démocratique et la conscience collective sur ses questions contribue également à la défense des droits des populations.
Il s’agit en définitive des bases pour une cohabitation pacifique, pour des relations sociales équitables : la démocratie se fonde sur la biodiversité et la biodiversité sur la démocratie.
Notes :
Millennium Ecosystem Assessment, 2005. Ecosystems and Human Well-being: Biodiversity Synthesis. World Resources Institute, Washington, DC.
Destruction, vexation et spéculation, (Rizzo G. G., Ercolini M., Mantovani S., Tozzini S., Valentini A., Amazonie Co Yvy Ore Retama, Rome, éditions Gangemi, 2005).
Global Biodiversity Outlook 2 (Perspectives mondiales de la diversité biologique), « Secretariat of the Convention on Biological Diversity » (2006) Global Biodiversity Outlook 2. Montreal.
Goldschmidt, Tijs , « Le vivier de Darwin. Un drame dans le Lac Victoria « , München: Beck, 1997.
Sauper Hubert (Régisseur), « le cauchemar de Darwin », France / Autriche / Belgique, 2004.
Fontes :
Site Irénées www.irenees.net