Quand les ouvriers recycleurs boliviens prennent leurs droits fondamentaux en main L’Association des micro-entrepreneurs de ramassage de déchets
Mai 2010
Pas de droits sociaux pour les micro-entrepreneurs de ramassage de déchets
Dans la zone périphérique Sud de Cochabamba en Bolivie, le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté atteint 95% de la population. Les systèmes de distribution d’eau potable, de réseaux d’égouts et de traitement des déchets sont quasiment inexistants. L’économie parallèle prédomine, ce qui plonge les habitants dans des situations très précaires.
Face à la déficience de ces services de base, pour assurer leur survie, les habitants de la zone Sud ont constitué des micro-entreprises de ramassage de déchets. Cela leur permet ainsi d’assurer de maigres revenus à leurs familles grâce à la revente à des grossistes des produits issus de leur recyclage.
En 1991, la « Coopération Technique Allemande » (GTZ) a appuyé la constitution de micro-entreprises dans le cadre d’un projet élaboré par la Paroisse Santa Vera Cruz (zone Sud de Cochabamba) et l’ONG CIPROMEC.
Face aux succès de ces micro-entreprises et à la déficience des services de ramassage des déchets dans la zone Sud, la municipalité de Cochabamba a décidé de sous-traiter le service de ramassage des ordures à ces micro-entreprises et donc d’employer les ouvriers qui y travaillaient.
Tout au long des dix années d’existence de la première entreprise [c’est-à-dire de 1991 à 2001] et malgré la création de plusieurs autres, le travail des ouvriers s’est opéré dans des conditions alarmantes.
En effet, la municipalité ne respectait pas l’application de certains droits sociaux fondamentaux. Les contrats n’étaient pas conformes à la législation en vigueur en Bolivie. Les micro-entrepreneurs étaient sous-payés malgré le coût très élevé de la vie et travaillaient sans la moindre assurance. De plus, le non-respect des conditions d’hygiène élémentaire de travail faisait courir aux micro-entrepreneurs un grand danger pour leur santé. Enfin, la municipalité se livrait à un jeu clientéliste avec les ouvriers, qu’elle incitait fortement à adhérer au parti au pouvoir.
L’organisation collective, un pas vers le droit aux droits sociaux
Face à ces difficultés, le Centre d’appui multidisciplinaire Vicente Cañas, qui a pour vocation de soutenir les processus de développement personnel et communautaire dans la zone Sud de Cochabamba, a appuyé la création par les travailleurs d’une association de micro-entrepreneurs de ramassage d’ordures : l’AMETSE. Son principal objectif était de faire valoir les revendications des recycleurs face à la mairie de Cochabamba et ainsi d’amener la municipalité à respecter leurs droits économiques et sociaux. Au sein de l’AMETSE, les micro-entrepreneurs se sont formés au droit du travail et ont ainsi acquis un poids dans la négociation des contrats avec la mairie, ce qui leur a permis de mener des actions de différents types.
La dénonciation des retards dans le paiement des salaires par le biais des médias, la revendication du respect des clauses du contrat autorisant la grève ou encore les pétitions informant des conditions de travail sont autant de moyens utilisés par les ouvriers pour se faire entendre par les pouvoirs publics.
Parallèlement à ces actions, la communication entre les ouvriers a été développée pour qu’ils n’hésitent plus à parler de leurs difficultés, ni à participer à la réflexion sur la problématique des déchets et, le cas échéant, à recourir aux institutions.
[[Revendications des habitants et des micro-entrepreneurs, même combat}}
L’appui du Centre Vicente Cañas a aussi permis d’articuler l’amélioration des conditions de travail avec les revendications des habitants du quartier pour l’amélioration du service de ramassage d’ordures. Ceux-ci ont soutenu l’AMETSE quand ils se sont rendu compte que la redevance qu’ils payaient pour le ramassage dépassait largement le coût de la sous-traitance pour la municipalité.
Ce travail de revendication a permis d’obtenir plus de régularité dans le paiement des salaires ainsi qu’un renouvellement des contrats en adéquation avec la législation en vigueur. Grâce à l’accompagnement du Centre Vicente Cañas, l’AMETSE a même abouti à la rédaction d’un projet d’ordonnance municipale encadrant les conditions de travail des micro-entrepreneurs de ramassage de déchets et leur garantissant des droits élémentaires.
Les micro-entrepreneurs, en s’organisant, ont ainsi pu faire valoir leurs revendications, trouver des alliances et peser sur le rapport de force qui les opposait à la municipalité. Cependant, certains résultats espérés n’ont pas encore vu le jour : la protection sociale des micro-entrepreneurs n’est toujours pas assurée, et les termes même de cette protection font l’objet d’âpres négociations avec la municipalité.
Le centre Vicente Cañas, qui a accompagné le développement de ces micro-entreprises de propreté et de nettoyage, pense que la coordination des actions et la recherche de stratégies est indispensable. Elle peut permettre de trouver un terrain d’entente avec les institutions et ainsi de faire respecter les droits fondamentaux d’une population socialement fragilisée dont les revendications sont perçues comme légitimes et acceptables tant en leur sein que par les habitants du quartier.
Sources :
D-P-H (Dialogues, Propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale) www.d-p-h.info/index_fr.html