UNE ÉCONOMIE SANS PROPRIÉTAIRES ?
Mathieu Vanvelde, décembre 2018
Résumé :
Cela fait bien longtemps que la gauche ne débat plus de la propriété. Autrefois, son dépassement était au cœur des réflexions. Il constituait un projet politique. Le débat sur l’abolition de la propriété privée allait de pair avec la lutte contre le capitalisme. Aujourd’hui, la question ne fait plus tant débat. Pourtant, il existe de solides arguments pour la rouvrir. Un débat sur la propriété peut à certains égards paraître abstrait. Dans les faits, pourtant, ce débat touche à des situations très concrètes de la vie matérielle de tout un chacun. Lorsque, par exemple, les travailleurs d’une entreprise sont soumis à une pression intense afin que les actionnaires de l’entreprise – c’est-à-dire ses propriétaires – jouissent de dividendes qui les satisfassent, nous sommes bien au cœur de la question de la propriété.
Le 16 octobre 2018, nous avons eu le plaisir d’accueillir Benoît Borrits lors d’une conférence-débat autour de son dernier ouvrage « Au-delà de la propriété. Pour une économie des communs » (éditions La Découverte, 2018).1 L’occasion de remettre la question de la propriété sur l’établi. À travers cette analyse, nous souhaitons partager et prolonger la réflexion.
Fin connaisseur du mouvement coopératif – à propos duquel il a publié deux ouvrages « Coopératives contre capitalisme » (Syllepse, 2015) et « Travailler autrement : les coopératives» (Éditions du Détour, 2017) – Benoît Borrits franchit ici un pas 1 supplémentaire et entend montrer en quoi la propriété en tant que telle, même dans le cadre de coopératives, pose problème. Les coopératives ont-elles uniquement vocation à constituer une espèce de tiers secteur, partiellement émancipé des dynamiques marchandes, ou sont-elles les germes d’une autre manière – radicalement différente – de faire économie ? Ce livre peut être lu comme un appel au mouvement coopératif, une invitation à se vivre comme germe d’une « économie des communs », à oser réaffirmer
une visée transformatrice de l’économie et de la société. C’est que l’auteur, avant d’être attaché aux coopératives, est avant tout attaché à un principe : l’autogestion, à tous les étages de la société2. Le propos du livre doit être compris à travers l’angle par lequel il est écrit, à savoir une tradition de pensée libertaire anarchiste.
En nous appuyant sur celui-ci, voyons donc ce qui peut être reproché à la propriété et les alternatives qui peuvent lui être opposées, avant de discuter de certaines limites du propos.
Sources :
SAW-B