L’économie sociale et sa filière de l’aide domestique : quel avenir pour l’emploi des femmes ?

Conseil du statut de la femme, octobre 2006

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Résumé :

L’économie sociale n’est pas une réalité nouvelle. Au Québec, cette notion est revenue sur la place publique au cours de la dernière décennie, et de nombreux acteurs ont contribué à édifier les infrastructures sociales que forme aujourd’hui l’économie sociale. Le véritable point de départ de son développement récent fut la Marche des femmes contre la pauvreté, en 1995. Par la suite, le gouvernement a mis en place plusieurs politiques, mesures et programmes visant à soutenir l’économie sociale. Le Conseil du statut de la femme (CSF) s’intègre donc au débat public dès 1995 en organisant un colloque sur les politiques sociales et en publiant, l’année suivante, une recherche sur les enjeux de cette économie pour les femmes. Le CSF veut aujourd’hui mesurer ce qu’il est advenu des gisements d’emploi qui lui sont associés. Cette recherche constitue donc un portrait du travail en économie sociale, en mettant en gros plan le secteur de l’aide domestique où l’on retrouve majoritairement des femmes, à la fois comme travailleuses, comme bénévoles et comme utilisatrices des services.

« L’économie sociale se révèle être une action collective, une mobilisation sociale, inspirée par trois mobiles : les besoins socio-économiques de populations (la nécessité); les aspirations de ces populations à une identité propre (l’identité); l’horizon partagé d’une société démocratique et équitable (un projet de société) », énonce le sociologue Louis Favreau. En voulant répondre à des besoins par la production et la vente de produits ou de services, l’entreprise d’économie sociale (EÉS) poursuit l’objectif économique d’efficacité. En associant des gens qui partagent une condition commune ou la compréhension d’une problématique collective, l’entreprise endosse un objectif social. Et en choisissant la façon de planifier son développement, l’entreprise se donne un objectif politique.

Avec quelque 7100 entreprises qui la concrétisent, le chiffre d’affaires de l’économie sociale atteint aujourd’hui presque 4,4 milliards de dollars. Ces entreprises emploient 66 000 personnes, dont 50 000 femmes. Le secteur de l’économie sociale se compose de trois familles d’organismes : les coopératives, les mutuelles et les associations au nombre desquelles on retrouve les organisations communautaires autonomes et les organismes à but non lucratif. Deux regroupements les représentent, à l’échelon national, auprès du gouvernement. Il s’agit du Chantier de l’économie sociale et du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, qui poursuivent des missions voisines, quoique distinctes. Sur le plan régional, les coopératives de développement (CDR) regroupent, en les soutenant, les coopératives actives sur le territoire. Quant au Chantier, il œuvre à l’organisation d’un réseau d’antennes régionales pour relier les participants à l’économie sociale.

Les 101 entreprises d’économie sociale en aide domestique (EÉSAD) du Québec offrent des services d’entretien ménager légers ou lourds, d’entretien de vêtements, de préparation des repas sans diète ou d’approvisionnement et autres courses. Ces services prennent place en milieu résidentiel. Les usagers présentent une grande majorité des femmes souffrant d’incapacité, âgées et vivant seules. La dimension relationnelle occupe une place importante dans les tâches des proposées. Bien qu’elle ne soit nullement

reconnue, cette dimension les valorise grandement dans leur travail et entraîne des répercussions positives sur le bien-être des usagères. Les revenus des EÉSAD proviennent du Programme d’exonération financière pour les services d’aide domestique (PEFSAD), de la clientèle, de subventions et de campagnes de financement. Toutefois, l’ensemble de ces revenus couvre à peine les dépenses des EÉSAD.

Les préposées sont en majorité des femmes âgées de plus de 40 ans, pour la plupart nées au Québec, sauf dans certaines entreprises de la région métropolitaine, et ne possédant généralement pas de diplôme d’études secondaires. Leurs parcours souvent sinueux est fait de petits boulots au salaire minimum et de passages à l’assistance-emploi ou à l’assurance-emploi. Elles travaillent à temps plein ou à temps partiel. Leurs modestes salaires n’ont pas été indexés au coût de la vie depuis 2001. Quant aux avantages sociaux, ils sont rarement supérieurs à ceux prescrits par la Loi sur les normes du travail. Plusieurs facteurs entraînent des risques pour la santé et la sécurité au travail des préposées. Toutefois, les entreprises et les organismes de l’économie sociale font preuve d’un intérêt marqué pour la formation et le perfectionnement de leur main-d’œuvre.

Les réformes apportées au cours des trente dernières années au système de santé et de services sociaux québécois ont créé les conditions d’une demande toujours plus grande de services à domicile. Ces changements amènent un recours de plus en plus important aux EÉSAD et un désengagement de l’État dans ces mêmes services. Le CSF croit à l’idée de base de l’économie sociale, soit la création d’emplois socialement utiles; il ne faudrait donc pas que les emplois créés se substituent à des emplois existants. C’est pourquoi le CSF estime important de suivre de près les réformes apportées au système de santé et de services sociaux ainsi que le développement de l’offre des services aux personnes par les organismes de l’économie sociale et du mouvement communautaire. De plus, l’État doit réaffirmer son appui à l’économie sociale, en donnant à ses promoteurs les moyens de créer et de maintenir des emplois stables et de qualité, en reconnaissant l’autonomie et l’expertise terrain des EÉSAD et en leur apportant le soutien nécessaire pour pouvoir réaliser avec elles un véritable partenariat.