Le potentiel d’innovation et de transformation de l’économie sociale : quelques éléments de problématique

Les Cahiers du CRISES Collection Études théoriques ET0604

Benoît Lévesque, avril 2006

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Résumé :

Le potentiel d’innovation et de transformation de l’économie sociale : quelques éléments de problématique À la question, « les entreprises d’économie sociale sont-elles plus porteuses d’innovations sociales que les autres? », une réponse positive est avancée assez spontanément, aussi bien par les promoteurs que par la plupart des chercheurs s’y intéressant. À partir de recherches que nous avons réalisées individuellement ou en équipe et en tenant compte des études que nous avons pu consulter dans le cadre de nos travaux sur l’économie sociale, nous tentons d’avancer quelques éléments de problématique pour répondre à nouveau à cette question. Dans un premier temps, nous revenons sur ce qu’il faut entendre par innovation sociale, étant donné que c’est le plus souvent en référence à ce type d’innovation que l’économie sociale est considérée. Dans un deuxième temps, nous examinons les approches théoriques, notamment les définitions de l’économie sociale, et dans un troisième temps les recherches empiriques.

Sous l’angle des approches théoriques, le potentiel d’innovation de l’économie sociale est évalué, sans grande nuance, comme très élevé ou au contraire comme très faible. Dans un cas, il s’agit des approches théoriques relevant, entre autres, de la sociologie, de l’économie politique ou encore des hétérodoxes en économie, qui définissent l’économie sociale comme contrainte à innover puisqu’elle tente de répondre à des besoins voire des aspirations non satisfaits par le marché ou l’État. Dans l’autre cas, il s’agit des approches néoclassiques qui ne retrouvent dans l’économie sociale, ni la propriété individuelle, ni le profit, qui représentent selon eux les

principaux ressorts de l’innovation.

Selon les approches empiriques, les évaluations sont plus nuancées tenant compte, entre autres, des phases de développement. Si la création est généralement l’occasion d’innover, la diffusion puis le développement conduisent souvent, mais non inexorablement, à la banalisation, à l’isomorphisme institutionnel voire à la privatisation. Les études de cas qui ont porté surtout sur des secteurs relativement nouveaux, tels le travail, l’insertion et l’aide à domicile, laissent voir que le potentiel d’innovation n’est pas toujours actualisé, entre autres, faute de financements ou de soutien appropriés. Enfin, au moins une enquête quantitative tend à montrer que les

associations dans le domaine de la santé et des services sociaux se distingueraient les innovations radicales que les innovations incrémentales que favorise la coopération entre parties prenantes.

Par ailleurs, lorsqu’on considère la dernière génération d’économie sociale comme un ensemble relativement continu d’initiatives de la société civile et en liaison avec les mouvements sociaux qui les ont inspirés, le potentiel de transformation semble l’emporter sur le potentiel d’innovation.

Comme pour les générations précédentes, la « nouvelle » économie sociale a contribué grandement à « adoucir » les destructions engendrées par les innovations radicales, mais elle participerait plus qu’auparavant à la reconfiguration de l’État-providence et à l’émergence d’un

modèle de développement où l’innovation deviendrait permanente et continue. Cette relecture d’un nombre significatif de travaux sur l’économie sociale, qui n’ont pas toujours été réalisés avec comme premier objectif l’étude des innovations, laisse supposer que l’approche en termes d’innovation et de transformation ne manque pas de pertinence pour mieux comprendre l’économie sociale mais aussi les grandes transformations en cours.

Benoît Lévesque

Sources :

crises.uqam.ca