Promotion de la micro-entreprise à Madagascar

Pour faire face à la crise économique, l’APEM (Association pour la promotion de l’entreprise à Madagascar) développe le micro-crédit et stimule la création de micro-entreprises.

Jean-François DUBOIS, dezembro 2001

Madame Madeleine Ramaholimihaso était jusqu’à cette année associée dans un des plus importants cabinets d’expertise-comptable de Madagascar, et à ce titre une des vice-présidentes du Groupement des entrepreneurs malgaches (GEM), institution regroupant le patronat des grandes entreprises de Madagascar. Ces fonctions importantes ne sont pourtant qu’une de ses contributions au développement de la société malgache, puisqu’elle s’est aussi efforcée de mettre son expertise au service des plus pauvres. Les plans d’ajustement structurel imposés par les institutions financières internationales ont provoqué une vaste crise de l’emploi à Madagascar. Dans ce contexte économique difficile, le GEM et sa vice-présidente décidèrent de prendre des initiatives pour lutter contre la paupérisation qui en résultait. C’est ainsi que fut fondée l’Association pour la promotion de l’entreprise à Madagascar (APEM), en 1987. Son objectif premier était de développer dans l’île un tissu de petites, moyennes et micro-entreprises en aidant les personnes qui en avaient le projet à créer leur propre emploi. Très vite, le micro-crédit devint le principal outil de l’APEM : le micro-crédit et la micro-entreprise sont considérés comme l’instrument privilégié de la « réhabilitation des personnes et des groupes », avec tout ce qu’ils impliquent en termes de responsabilisation économique et civique, de formation technique à la gestion du budget familial, d’appui aux initiatives. C’est même un profond changement social et culturel qui est visé avec la diffusion d’une « philosophie nationale du crédit ». En effet, l’APEM n’intervient pas directement dans les activités de crédit elles-mêmes, mais se concentre sur tout ce qui peut contribuer à les rendre possible. La sensibilisation vise un très large public, par des rencontres ponctuelles ou de véritables programmes suivis de formation, des articles dans la presse, des émissions de radio, des affiches. L’APEM collecte des fonds auprès de ses membres (les grandes entreprises malgaches, dont les contributions à l’APEM sont déductibles des impôts et pour lesquelles il s’agit d’une bonne opération en terme d’image de marque), et auprès de partenaires étrangers, publics, privés, associatifs. Ces partenaires apportent également une aide technique aux institutions créées.

Des négociations sont également menées auprès des pouvoirs publics, des institutions de formation étrangères (par exemple, un lien suivi avec l’université de Grenoble, en France) ou locales (création d’un DESS à Antananarive), des organisations non-gouvernementales (Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), CIDR, etc.). Des voyages et des échanges sont organisés pour profiter de l’expérience d’autres initiatives de micro-crédit au Sri Lanka, en Thaïlande, au Pérou, aux Etats-Unis, et pour faire profiter ces pays de l’expérience malgache. C’est tout le plaidoyer pour une « culture du crédit » à Madagascar qui importe à l’APEM, et l’association n’hésite pas pour cela à s’associer avec les organisations qui travaillent dans le même sens sur l’île. Après une certaine période d’expérience informelle, les projets se professionnalisent. Une première institution financière de micro-crédit fut ainsi créée en 1990, la SIPEM, avec la collaboration et le partenariat financier de la SIDI, une institution spécialisée du CCFD, qui devint actionnaire minoritaire à hauteur de 47 pour cent. Grâce à la SIPEM, l’APEM a pu passer, dans la région d’Antananarive, du micro-crédit (prêts de 150 à 2 000 FF sur une base collective) à une activité de mini-crédit (de 3 000 à 49 000 FF sur une base individuelle). Un autre projet intitulé « Vola Mahasoa » (L’argent qui fait du bien) fut initié en 1993 dans la région de Tuléar, sous la direction de Monsieur Razakaharivelo. Un apprentissage de la gestion du budget familial est proposé à des groupements de familles rurales, ainsi qu’un accès au crédit pour des investissements agricoles (semences, financement de main-d’ouvre, augmentation du cheptel, etc.), la constitution de stocks de commercialisation, ou l’augmentation du fonds de roulement pour les petits commerçants. Quant à la région d’Antsirabé, l’une des plus pauvres de Madagascar, elle voit ses communautés ecclésiales travailler à la répartition et à la gestion des crédits. Des rencontres avec des femmes d’Antananarive qui ont bénéficié avec succès des crédits APEM sont en outre organisées pour encourager les gens d’Antsirabé à surmonter leurs réticences et à se mobiliser dans le même sens.

Madame Ramaholimihaso est fière de dire que le micro-crédit à Madagascar a d’abord été une initiative malgache. En la lançant, les grands entrepreneurs n’étaient pas seulement guidés par un coup de coeur généreux, mais aussi par une conception rationnelle des besoins économiques du pays, situant le développement à un niveau plus proche de la population et l’incluant résolument dans une dimension humaine et personnelle. Tous les programmes de la Banque mondiale à Madagascar incluent désormais un volet micro-crédit. Madame Ramaholimihaso fait toutefois remarquer que le micro-crédit ne concerne encore que 2 pour cent de la population malgache, alors que les trois-quarts de cette population vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Ce faible taux de pénétration s’explique par le fait que les infrastructures de transport et de communication permettent uniquement de toucher ceux que les institutions actuelles rencontrent déjà. De plus, la pratique du crédit implique une mentalité de prévision, de gestion, d’évaluation qui heurte les habitudes malgaches et nécessite de surmonter la superstition attachée aux perspectives d’avenir… Enfin, Monsieur Razakaharivelo souligne que la transparence, la solidarité, le respect du contrat se heurtent à des pratiques profondément ancrées de corruption et de valorisation de l’astuce telle qu’elle se manifeste, par exemple, dans les jeux traditionnels, pratiques aggravées, bien sûr, par un contexte économique et social très difficile.

Notes

Entretiens avec Madame Ramaholimihaso et Monsieur Razakaharivelo les 7 et 8 décembre 2001. Madeleine Ramaholimihaso, rue Rajakoba Augustin Ankadivato, Antananarivo, Madagascar - mrcabram@dts.mg ; Charlot Razakaharivelo, Tanambao, rue Durlach BP 601, Madagascar - crazaka@dts.mg

Fiche rédigée lors de l’Assemblée Mondiale des Citoyens de Lille, décembre 2001.

Fontes :

D-P-H (Dialogues, Propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale) www.d-p-h.info/index_fr.html